Margot, survivante …

Mon article d’aujourd’hui va être radicalement différent des autres que j’ai l’habitude de poster, j’y parlerai principalement de violences conjugales.
Tous les jours en France, des femmes meurent sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, ce qui veut dire que chaque jour des femmes subissent des violences chez elles. Ces violences peuvent être physiques, verbales, sexuelles et/ou psychologiques.

En 2019, 152 femmes qui sont mortes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint ont été recensées. L’année dernière, 97 femmes sont mortes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Si ces violences ne sont pas stoppées rapidement et radicalement, le nombre de féminicides augmentera au cours des prochains mois et des prochaines années. (->sources : https://www.noustoutes.org/sinformer/)
A l’heure où j’écris,  42 femmes sont mortes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2021. C’est un constat dramatique et absolument inacceptable. Des études ont montré qu’il n’y avait pas d’âge, ni de classes sociales en particulier pour les hommes commettant des violences conjugales. C’est pourquoi cet article a pour but premier de prévenir et d’alerter sur ce problème de société qui met en danger et tue chaque année encore plus de femmes. Ce problème doit être pris au sérieux et les auteurs de ces violences et de ces crimes doivent être durement condamnés. 

Ces violences sont partout, au coin de la rue, dans l’appartement de vos voisins, dans les yeux de la  jeune fille que vous croisez tous les jours dans le métro ou encore à vous.
Malheureusement ce sujet est encore trop tabou pour que certains se refusent d’en voir la gravité et que ces crimes ne soient pas condamnés.
C’est pour cette raison qu’aujourd’hui je vais vous conter une histoire, celle d’une battante, d’une guerrière, mais aussi … celle d’un monstre.
Cette histoire, c’est celle de Margot. 

Il était une fois, dans ce pays riche et puissant qu’est la France, vivait une jeune femme du nom de Margot qui croquait la vie à pleine dent. Sa joie de vivre et son sourire étaient contagieux et ils faisaient le bonheur de ses ami.e.s. Après une riche expérience de jeune fille au pair en Angleterre, elle sortit major de sa promo et à 23 ans, grâce à sa détermination sans faille elle décrocha un bel emploi, faisant la fierté de sa famille. Il ne manquait plus qu’à Margot de trouver son beau Prince charmant pour clôturer son joli conte de fée moderne.Quelques mois après, Margot fit la rencontre d’un Prince Charmant, il n’arriva pas sur un cheval blanc, mais avec un beau costume et un charisme envoutant. Le Prince était drôle et attentionné, un véritable gentleman. Le charme opéra. Et l’idylle débuta.

Nous connaissons tous.tes les contes de fée, nous savons tous.tes qu’à un moment donné, les ténèbres vont prendre le dessus, l’arrivée d’une méchante sorcière ou d’un dragon maléfique va essayer de tout gâcher. Mais ce ne sont que des histoires, l’écrivain.e peut manipuler la fin à sa guise pour le fameux Happy End. Margot, elle, vivait dans le monde réel. Alors le « fameux Happy End » peut vite tourner au cauchemar. Car c’est à l’instant précis où le Prince entra dans la vie de Margot que son supplice commença. Elle n’allait pas être la princesse bien-aimée de son prince mais sa  prisonnière, ne devenant plus que l’ombre d’elle-même, et la victime de son bourreau.

Au début, la romance semble parfaite aux yeux de tous, même pour Margot. Mais le Prince qui était si drôle et attentionné, changea ; le Prince était de plus en plus souvent en colère, il était même parfois très agressif dans sa manière de s’adresser à sa princesse, c’est comme ça que les premières violences commencèrent : des mots durs et injustifiés, de l’agressivité, des insultes, puis des coups et même des étranglements. C’est comme ça, que Margot sera confrontée à l’horreur et à la cruauté d’un homme, dont elle sera la captive. Comme cela arrive pour la plupart des femmes battues, Margot ne réalisa pas tout de suite que ce qu’elle subissait était des violences conjugales et que ce n’était absolument pas normal et pas de sa faute. Elle était amoureuse, profondément amoureuse de son Prince. Margot était choquée et désemparée par les agissements de son amant, mais dès que celui-ci s’excusait et disait qu’il ne recommencerait plus, qu’il avait agi sous le coup de la colère, aveuglée par son amour et totalement sous l’emprise de son bourreau, Margot pardonna à chaque fois.

Mais toujours en pleine possession de ses moyens, le Prince recommença, encore et encore. Encore plus d’insultes, encore plus de coups. Des coups de plus en plus forts, des bleus de plus en plus durs à camoufler. Toutes ces marques sur son corps sont de plus en plus tenaces mais ne sont jamais visibles, car oui, un Prince fait toujours attention à l’endroit où il frappe. Au fils  des mois, les violences vont s’accentuer et se diversifier, mensonges et menaces sont les maîtres mots du Prince. Margot vit alors dans la peur constante. Les violences psychologiques et les humiliations viennent s’additionner à son quotidien. Sa nouvelle vie l’avait, contre son gré, faite prisonnière. Toujours en ayant pleinement conscience de ses actes et sous aucune emprise (ni stupéfiant, ni alcool) le Prince, inventait des « jeux » pour Margot.  Son « jeu « préféré était de tenir Margot en équilibre, par son t-shirt, du haut des marches de l’escalier : soit il la lâche, soit il la rattrape. Mais un prince se doit de rester un prince, Margot fut rattrapée à chaque fois.
Vous et moi le savons bien, ces « jeux » n’étaient rien qu’autre que de la torture.

C’était l’enfer, un véritable calvaire.

Mais dans cet enfer, il y a aussi des  jours moins sombres où Margot a la sensation de retrouver l’homme dont elle est tombée amoureuse et où le Prince semble bon et doux. Cela ne dure jamais, le Prince recommence toujours, plus les coups sont forts et douloureux, plus les marques perdurent longtemps sur le corps de Margot, plus elle semble s’éteindre.  Au bout de quelques mois, Margot était devenue l’ombre elle-même, esclave d’un homme dont elle est amoureuse mais dont elle a aussi très peur. Margot est perdue. Elle a peur et elle a honte. Ces sentiments l’enferment un peu plus dans sa prison invisible et la honte l’a fait se sentir seule, terriblement seule. Margot ne sait plus quoi faire, elle est perdue. 
Margot qui avait un sourire si contagieux et une joie de vivre à toutes épreuves, est maintenant éteinte et vide. Personne ne la reconnait autour d’elle, ni sa famille, ni ses ami.e.s. Son entourage a l’impression de la perdre, elle n’est plus joyeuse, dynamique, rigolote et déterminée. Elle n’est tout simplement plus elle-même.
Mais à la place Margot est seule, triste et apeurée. Tout son monde est sous le contrôle du Prince. Elle n’a plus que lui. Il a réussi à avoir un contrôle absolu sur le quotidien de Margot, sur sa vie. 

Un soir, cela en est trop. Face à elle-même et pour seule compagnie la peur qui la consume, elle décide d’en finir.  Elle ne peut plus et elle ne veut plus vivre avec ce sentiment de honte mais elle refuse d’être une seconde de plus la victime de son tortionnaire. Elle a trop peur pour affronter ce sentiment de honte et elle a trop honte pour en parler, pour dénoncer son oppresseur. Elle sait que les femmes qui vivent la même chose qu’elle ne sont ni écoutées, ni considérées. Pire encore, parfois, elles sont jugées et montrées du doigt. A ce moment-là, Margot ne comptait pas sur la justice pour l’aider, elle a bien vu que la justice française et son gouvernement ne font pas grand chose pour aider ces femmes et condamner les criminels de ces actes. Alors plus seule que jamais. La mort lui semble être le seul remède. Pour elle, l’Enfer, le vrai, serait toujours plus doux que celui dans lequel le Prince l’enferme. En avalant une forte dose d’anxiolytiques, Margot pensait mettre un terme à son cauchemar. Mais la vie n’en avait pas fini avec elle.

Cela fait un peu plus d’une année que le calvaire de Margot a débuté. Il n’a suffit que de quelques mois au Prince, au prédateur, au monstre, pour réussir à dominer et contrôler Margot. A cause de tout ce que le Prince lui a fait subir, Margot a voulu mourir. Malgré sa tentative suicide, le Prince reprit ses habitudes et continua à violenter Margot et à lui faire endurer ses humeurs, comme si elle était sa chose, son jouet. Une année c’est le temps qu’il a fallu à Margot pour savoir camoufler ses bleus, ses marques de strangulations, ses hématomes. Même si elle passe beaucoup (trop) de temps aux urgences, Margot est sous l’emprise de sa propre peur de dénoncer son bourreau. Il n’y a toujours aucunes issues pour elle. 

Mais il y a quelques mois maintenant, un mystérieux virus, soi-disant venu de Chine s’empara du monde. Margot se retrouva privée de son travail et fut obligée de se confiner chez ses parents. Inutile de dire à quel point cela a été un soulagement de  se retrouver dans un environnement stable, bienveillant et aimant; loin de son enfer habituel. Mais un jour, le Prince lui rendit visite. Il menaça Margot, il menaça sa vie. Ce fut la menace de trop pour Margot, la guerrière qui sommeillait en elle, se réveilla et elle mit fin à cette relation destructrice et surtout elle décida qu’il était temps pour elle d’en parler. 

Elle était prête. 

Ce fut un réel choc pour sa famille et ses proches, et une avalanche de questions : comment étaient-ils passé.e.s à côté ? Comment avaient-ils.elles pu laisser une telle chose se produire ? Mais en ajoutant une à une toutes les pièces du puzzle, l’histoire prit forme, tout semblait évident. Le Prince n’était pas charmant et ne l’avait jamais été, c’était un simple déguisement, une parade pour pouvoir manipuler et violenter Margot à sa guise, tout était clair maintenant. Le Prince était en réalité un monstre. C’est là qu’un nouveau chapitre commença. Margot porta plainte et commença un combat avec la justice. Ce combat sera long, elle le mène d’ailleurs encore aujourd’hui. Après avoir rompu avec le prince, Margot a eu besoin de temps pour se retrouver avec elle-même, elle est passée par plusieurs phases très compliquées. Par moment elle était rongée par la culpabilité, d’autres fois par la colère. Elle prit conscience qu’elle avait failli perdre la vie à plusieurs reprises à cause d’un seul homme mais elle était toujours là, debout et bien vivante. Elle retrouva son sourire et sa joie, et surtout sa liberté. Elle se sentait à nouveau vivante et libre. Ce sentiment de liberté qu’elle ne voudrait plus jamais perdre.
Petit à petit, des tatouages vinrent décorer son corps, corps qui était de nouveau pleinement le sien. Corps qu’il avait longtemps possédé et dont elle retrouvait le contrôle.
Pour vous, un tatouage ce n’est peut-être pas grand-chose, pour elle, ils symbolisent son renouveau. 

Margot sait que ces plaies ne sont pas totalement cicatrisées. Ces cicatrices feront partie de son histoire pour toujours, mais ne la définiront jamais elle en tant que personne. Même si la solitude subsiste encore aujourd’hui, elle sait qu’elle ne doit pas flancher, elle sait qu’elle est forte et qu’elle ne lâchera rien.  Elle est suffisamment forte pour surmonter cela, elle a déjà survécu à l’enfer. Et ça, peu de gens peuvent s’en vanter. 

Margot aujourd’hui sent qu’elle a une responsabilité, celle de parler, celle de raconter son histoire, pour peut-être aider d’autres femmes victimes elles aussi de violences conjugales. Son but aujourd’hui : dénoncer pour mieux lutter.
Margot plus forte et déterminée que jamais est prête à mener ce combat. Un combat pour la justice, un combat pour sa vie. Un combat pour toutes celles qui ont été tuées, un combat pour leur rendre justice à elles aussi. 
Un combat qu’elle espère mener avec le soutien de la justice française , qui a laissé impunis depuis bien trop longtemps tous ces féminicides. Elle espère que la justice portera son combat à bras le corps et que cette même justice protègera à l’avenir toutes les femmes victimes de ces violences.

Je suis honorée d’avoir pu partager un bout de l’histoire de Margot, une femme, une guerrière et une battante. Margot est un exemple de courage et de force.
Je voulais donc aider Margot dans sa nouvelle voie.

  Nous souhaitions ensemble mettre en lumière cet enfer dans lequel des milliers de femmes, mais aussi des hommes vivent chaque jour. Surtout, nous voulions nous battre face aux moralisateurs ; ceux qui pensent pouvoir se permettre de dire  « il fallait partir à la première gifle » ou encore « je ne comprends pas, tu es si intelligente, pourquoi tu n’es pas partie plus tôt ». Savez-vous que c’est à cause de ce genre de remarques et de comportements que beaucoup de personnes refusent justement de parler de leurs calvaires. Il n’y a pas de profil type de victime comme  il n’y a pas de profil type de tortionnaire, non il n’y a pas écrit « violent » sur le front des bourreaux.Faisons front tous ensemble face à des agissement pareils et face à de telles violences, plutôt que de juger les victimes, soutenons-les plutôt que de les faire culpabiliser.

C’est pour cela que je suis très fière aujourd’hui de parler, de soutenir, de partager leurs combats, car pour moi, ce ne sont pas des victimes, mais des guerrières. Ensemble, nous combattrons. 

Cet article est dédié à Margot, guerrière et survivante, ainsi qu’à toutes celles qui subissent chaque jour des violences. Et à toutes celles qui ne sont plus là pour combattre. Nous ne vous oublierons pas. 

Nous remercions BarthPhotographie pour ces photos, Eline Mlt pour le maquillage,  Tillou et André pour le lieu du shooting.
Ainsi que Juliette et Camille Pour la correction. 

17 commentaires sur “Margot, survivante …

  1. Ce texte m’a glacé le sang. Malheureusement beaucoup de femmes ont vécu ceci ou le vivent encore. C’est terriblement triste et ce sentiment de honte, de mal-être, de tristesse, de gêne, de culpabilité, et autres entourent les violences conjugales. Je suis contente que Margot ne soit plus sous l’emprise de ce monstre, j’espère que justice sera rendue ❤️
    C’est vraiment un très beau texte, j’espère qu’il sera lu par le plus grand nombre ❤️

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      1. Merci beaucoup
        Votre article m’a touché au fond.
        Il qu’il de violer la femme car elle une entreprise, une source de bonheur.
        Sans la cette créature on ne peut pas vivre…
        Bonne continuation je tout fier de toi et souhaite notre reconnaissance

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  2. Bravo pour cette mise sur le devant de la scène de ces horreurs trop passées sous silence !
    C’est courageux et oui il faut qu’un maximum de personnes lisent ce témoignage, encore bravo !

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  3. Courage à Margot pour la suite. Et courage à toutes les personnes victimes de violences. On peut croire que c’est facile de parler mais ce n’est pas le cas, il y a un réel blocage. Ce blocage est horrible car il maintient les personnes dans l’enfer où elles vivent, mais il est là et il est très difficile à combattre.

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  4. L’histoire de Margot me glace. J’espère de tout coeur que beaucoup de femmes qui sont dans son cas, puissent lire ce témoignage, pour leur donner l’espoir et le courage pour rompre le silence. Bravo a Margot elle est sur le bon chemin et Je suis sûre qu’elle rencontrera un jour son VRAI PRINCE CHARMANT. Une grand mère.

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  5. Franchement, cet article m’a laissée sans voix. On sent d’abord l’espoir d’une belle rencontre, de la relation parfaite puis doucement, on s’aperçoit que le rêve est en réalité un cauchemar et que commence la descente aux enfers jusqu’à ce que Margot se relève, renaisse tel un phoenix pour affronter son tortionnaire. Un fort et poignant témoignage qui dénonce ce fléau encore tellement tabou, comme tu le dis si bien Justine, dans cette société où on minimise encore trop les violences conjugales et les féminicides. Nous sommes quasiment en 2022 et pourtant, ça continue. Il faut que ça cesse. Trop de pervers narcissiques, trop d’assassins qui se déguisent en parfaits gentlemen, ce n’est plus possible.
    Merci à vous deux. Justine, ton article est poignant mais si bien retranscrit, et les photos parlent d’elles-mêmes, bravo ! Et Margot, je te souhaite de tout cœur le bonheur. Tu le mérites, tu as ce droit comme tu as le droit de vivre et ça, aucune personne sur Terre ne peut te l’enlever !

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    1. Coucou Linda ! Merci pour ton commentaire !
      Je pense que Margot sera très touchée! Tout comme le photographe et la maquilleuse ☺️
      Et oui, presque 2022 et nous en sommes toujours là …. d’où cet article aussi pour continuer à dénoncer….

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